Avec l’entrée en vigueur du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile et la suppression du contredit, l’appel est pour les décisions rendues à compter du 1er septembre 2017[1] la seule voie ouverte pour contester un jugement qui se prononce exclusivement sur la compétence. Dans les procédures avec représentation obligatoire, l’appel suppose désormais obligatoirement le dépôt d’une déclaration d’appel motivée, la saisine sur requête du Premier Président de la Cour pour que celui-ci fixe le jour auquel l’affaire sera appelée par priorité, puis la signification d’une assignation aux parties intimées.
Le délai d’appel
Lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par les articles 83 à 89 du Code de procédure civile. Le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le point de départ du délai d’appel n’est pas la date de la décision ou la date de signification du jugement par huissier, mais la notification adressée aux parties par le greffe de la juridiction, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception[2]. Si, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire, le jugement est « également » notifié aux avocats des parties, la rédaction du premier alinéa de l’article 84 laisse sous-entendre que cette notification est sans incidence sur le point de départ du délai de recours, qui devrait rester celui de la notification aux parties.
L’obligation de déposer une requête pour être autorisé à assigner à jour fixe
Le décret du 6 mai 2017 met en place une procédure d’appel spécifique en renvoyant, sans toutefois aucune référence directe, vers la procédure à jour fixe prévue par l’article 917 du code de procédure civile. À peine de caducité de la déclaration d’appel, l’appelant a en effet l’obligation de saisir, dans le délai d’appel, le Premier Président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire, par référence dans cette dernière hypothèse aux dispositions de l’article 948 du Code de procédure civile. Même si les textes ne le précisent pas, l’appelant ne devrait pas avoir à se prévaloir d’une situation de péril imminent, en principe requise par le premier alinéa de l’article 917 du Code de procédure civile.
Dans les deux cas, la requête doit obligatoirement être présentée au Premier Président de la Cour dans le délai d’appel, c’est-à-dire dans les quinze jours qui suivent la notification du jugement par le greffe. Ce délai s’impose sous peine de caducité de la déclaration d’appel, sans que le texte précise si la méconnaissance de ce délai peut ou au contraire doit être relevée d’office par la Cour.
Qualifié de « régime spécifique d’appel » par l’annexe 2 de la circulaire du 4 août 2017, ce renvoi à la procédure à jour fixe pose notamment la question de la combinaison de ces nouvelles dispositions avec celles du dernier alinéa de l’article 919 du Code de procédure civile. Si, a priori, à défaut de précisions contraires, ces nouvelles dispositions n’excluent pas l’application de celles qui permettent de présenter une requête au Premier Président au plus tard dans les huit jours du dépôt de la déclaration d’appel, l’appelant ne devrait pas pouvoir se prévaloir de la combinaison de ces deux articles pour justifier la recevabilité de son appel lorsque la requête aura été déposée après l’expiration du délai d’appel de 15 jours. Le cas échéant, l’appelant devra donc prendre soin de concilier les articles 84 et 919 du Code de procédure civile, pour que la saisine sur requête du Premier Président intervienne au plus tard dans les 8 jours de la déclaration d’appel, d’une part, mais quoi qu’il arrive à l’intérieur du délai d’appel de 15 jours, d’autre part.
L’obligation de motiver la déclaration d’appel
Autre innovation importante, prévue cette fois sous peine d’irrecevabilité de l’appel, la déclaration d’appel doit être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration. La déclaration d’appel doit également préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence, l’omission de cette précision n’étant en revanche apparemment assortie d’aucune sanction. En pratique, avec l’obligation de recourir au RPVA devant la cour d’appel, les conclusions d’appelant devront être déposées en même temps que la déclaration d’appel. Les champs à remplir lors de la saisine par voie dématérialisée de la déclaration d’appel et le nombre de caractères autorisés ne permettent pas, en effet, de motiver la déclaration elle-même. Les conclusions d’appelant devront ainsi être jointes, avec les copies de la requête, de l’ordonnance du Premier Président et d’un exemplaire de la déclaration d’appel, à l’assignation signifiée aux intimés avant la date d’audience fixée par le Premier Président.
L’impact sur les ordonnances de la mise en état
Pour l’application du Livre 1er du Code de procédure civile, la notion de jugement est en principe prise dans son acception large et concerne aussi bien les jugements des tribunaux (tribunal de grande instance, tribunal d’instance, tribunal de commerce) que les ordonnances du juge de la mise en état. Or, la réforme de la procédure d’appel devrait rapidement poser la question de la compatibilité des nouvelles dispositions avec celles de l’article 776 du Code de procédure civile, relatives à l’appel des ordonnances du juge de la mise en état. En application de cet article, lorsqu’elles statuent sur une exception de procédure, les ordonnances du juge de la mise en état sont susceptibles d’appel dans les quinze jours à compter de leur signification. Le délai d’appel commence donc à courir seulement à compter de la signification de l’ordonnance par acte d’huissier. Dès lors que l’appel est relatif à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l’article 776 du Code de procédure civile, le Président de la chambre saisie fixe, soit d’office soit à la demande des parties, les jours et heures auxquels l’affaire sera appelée à bref délai, sur le fondement des dispositions de l’article 905 du Code de procédure civile (circuit court).
Mais à supposer que les articles 83 à 89 du Code de procédure civile s’appliquent également aux ordonnances du juge de la mise en état lorsque celui-ci se prononce exclusivement sur la compétence, donc sur une exception de procédure, ces dernières devraient alors être notifiées aux parties par le greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, notification constituant le point de départ du délai de recours de quinze jours pour faire appel. L’appelant serait alors tenu de respecter le formalisme prescrit par ces articles, notamment en saisissant dans le délai d’appel le Premier Président en vue d’être autorisé à assigner à jour fixe. Toutefois, la Cour de cassation ayant par le passé exclu la voie du contredit à l’encontre des ordonnances du juge de la mise en état lorsqu’elles statuent sur une exception de procédure[3], elle pourrait et sans doute devrait dans la même logique refuser de leur appliquer ce « régime spécifique d’appel ». Le cas échéant, l’appelant devra alors respecter le nouveau formalisme prescrit par les articles 905-1 et 905-2 du Code de procédure civile, la procédure « accélérée » devant la Cour d’appel ayant également été considérablement modifiée.
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[1] Article 53 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile.
[2] Article 84 du code de procédure civile.
[3] Civ. 2ème, 2 juill. 2009, n° 08-16840, Bull. 2009, II, n° 179