Radiation du rôle et arrêt de l’exécution provisoire

Radiation du rôle et arrêt de l'exécution provisoire

Confirmant sa jurisprudence (Civ. 2ème, 9 juill. 2009, n° 08-13451 et 08-15176), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la radiation du rôle de l’affaire, sur le fondement des dispositions de l’ancien article 526 du code de procédure civile, ne fait pas obstacle à ce que le Premier Président de la cour prononce l’arrêt de l’exécution provisoire en application de l’article 524 (Civ. 2ème, 6 mars 2025, n° 22-23093).

L’exécution provisoire de droit des jugements

Depuis le 1er janvier 2020 et l’entrée en vigueur de l’article 3 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

L’article 539 du code de procédure civile continue pourtant de mentionner, d’une part, que le délai de recours par une voie ordinaire suspend l’exécution du jugement et, d’autre part, que le recours exercé dans le délai est également suspensif.

Interrogé sur la compatibilité de ces deux textes règlementaires qui laissent subsister dans le code de procédure civile deux dispositions contraires et qui sont donc susceptibles de méconnaître l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la norme, le Premier Président de la Cour d’appel de Paris a jugé « que l’illégalité du nouvel article 514 du code de procédure civile ne peut procéder de sa seule contradiction avec l’article 539 du même code, dès lors que ces deux normes sont de niveau égal et qu’il n’est pas démontré que l’article 514 est en lui-même contraire à une norme supérieure » (CA Paris, 18 mai 2022, RG n° 22/03952).

Le juge qui rend la décision peut, par une décision spécialement motivée, écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

L’arrêt de l’exécution provisoire de droit

En cas d’appel, le Premier Président peut être saisi d’une demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision frappée d’appel, sur le fondement des dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile.

Le Premier Président est saisi par assignation.

Il statue en référé, par une décision non susceptible de pourvoi.

L’arrêt de l’exécution provisoire peut être prononcée lorsque deux conditions sont réunies :

  • il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation ;
  • et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces conditions sont cumulatives.

Depuis le 1er janvier 2020, lorsqu’une partie a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire, sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

La légalité des dispositions du 2ème alinéa de l’article 514-3 du code de procédure civile est sérieusement critiquable au regard du principe d’égalité devant la loi et du droit au recours concret et effectif, notamment en ce qu’elles s’appliquent également aux procédures pour lesquelles la représentation par avocat n’est pas obligatoire.

La partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’a quasiment plus aucune chance d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire en cas d’appel, sauf à pouvoir démontrer que les conséquences manifestement excessives se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.

Outre que la partie non comparante n’a pas à faire la même démonstration, ce qui n’est pas sans poser de questions au regard du principe d’égalité devant la loi, il apparaît très contestable d’exiger des justiciables non représentés par un avocat, souvent confrontés pour la première fois à la justice et au prétoire, qu’ils pensent à formuler des observations sur l’exécution provisoire, sous peine d’irrecevabilité de leur demande ultérieure tendant, en cas d’appel, à l’arrêt de l’exécution provisoire.

La radiation du rôle de l’affaire

Lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521 du code de procédure civile, l’intimé peut présenter une demande de radiation du rôle de l’affaire sur le fondement de l’article 524.

À peine d’irrecevabilité prononcée d’office, la demande de radiation du rôle de l’affaire doit être présentée au Premier Président ou, dès qu’il est saisi, au conseiller de la mise en état, avant l’expiration des délais prescrits pour conclure.

Le Premier Président ou le conseiller de la mise en état se prononce après avoir recueilli les observations des parties.

Il peut décider la radiation du rôle de l’affaire, à moins qu’il lui apparaisse :

  • que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ;
  • ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.

Il ne s’agit pas de conditions cumulatives, mais alternatives.

Le 3ème alinéa de l’article 524 du code de procédure civile prévoit que la décision de radiation est notifiée par le greffe aux parties ainsi qu’à leurs représentants par lettre simple et qu’elle est une mesure d’administration judiciaire.

La preuve de la notification est très importante, le délai de péremption de deux ans ne commençant à courir qu’à compter de la notification de la décision ordonnant la radiation (et non pas à compter de la date de la décision).

Depuis la généralisation de la communication par voie électronique devant la cour d’appel, certaines cours d’appel retiennent sans fondement précis comme point de départ du délai de péremption la date de notification à l’avocat, par RPVA, de la copie de la décision ordonnant la radiation.

Le délai de péremption est interrompu par un acte manifestant sans équivoque la volonté d’exécuter.

Le Premier Président ou le conseiller de la mise en état peut, soit à la demande des parties, soit d’office, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, constater la péremption.

Si et seulement si l’appelant justifie avoir entièrement exécuté la décision attaquée avant l’expiration du délai de péremption, le Premier Président ou le conseiller de la mise en état autorise la réinscription de l’affaire au rôle de la cour.

En revanche, la demande de réinscription doit « en toute hypothèse » être rejetée lorsque la condition nécessaire à la réinscription de l’affaire au rôle n’est pas remplie, autrement dit lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision attaquée (Civ. 2ème, 1er sept. 2016, n° 15-14551).

La légalité de ces dispositions est régulièrement critiquée au regard au droit constitutionnellement garanti pour toute personne à un recours concret et effectif devant la juridiction, en ce qu’elles ne permettent pas au Premier Président ou au conseiller de la mise en état de tenir compte de l’évolution de la situation de l’appelant postérieurement à la décision ordonnant la radiation.

Si, postérieurement à la décision ordonnant la radiation, l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision pour quelques raisons que ce soit (accident de la vie, perte d’un emploi, etc.), il ne pourra jamais obtenir la réinscription de l’affaire au rôle de la cour et son appel ne sera jamais jugé.

Elargir le contrôle du Premier Président ou du conseiller de la mise en état au moment de l’examen de la demande de réinscription de l’affaire au rôle de la cour permettrait vraisemblablement d’éviter, ou en tout cas de réduire, les lourdes condamnations financières régulièrement prononcées à l’encontre de la France pour violation du droit au recours effectif (CEDH, 31 mars 2011, Chatelier c/ France, n° 34658/07 ; CEDH, 18 janv. 2005, Carabasse c/ France, n° 59765/00).

Enfin, dans son arrêt du 6 mars 2025, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la radiation du rôle de l’affaire ne fait que suspendre l’instance.

Elle ne fait donc pas obstacle à ce que le Premier Président prononce l’arrêt de l’exécution provisoire en application de l’article 524 du code de procédure civile (Civ. 2ème, 6 mars 2025, n° 22-23093).

En résumé :

  • les jugements bénéficient de l’exécution provisoire de droit depuis le 1er janvier 2020
  • le délai d’appel et l’appel d’un jugement n’ont donc plus d’effet suspensif
  • le juge peut toutefois décider d’écarter l’exécution provisoire
  • en cas d’appel, le Premier Président statuant en référé peut arrêter l’exécution provisoire
  • la radiation du rôle de l’affaire ne fait pas obstacle au pouvoir du Premier Président en matière d’arrêt de l’exécution provisoire

Par Cyril PERRIEZ

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