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Les actions en diminution de loyer dans les baux d’habitation

Lorsque le montant du loyer prévu dans le contrat de bail est supérieur à celui qu’il aurait dû être en application d’une disposition législative, le locataire peut dans certains cas bien précis engager une action en diminution de loyer à l’encontre de son bailleur :

  • lorsque le contrat de location ne mentionne pas le montant et la date de versement du dernier loyer appliqué au précédent locataire, dans le cas où celui-ci a quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail (art. 3 de la loi du 6 juillet 1989) (1.) ;
  • lorsqu’il apparaît que la surface habitable du logement est inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location (art. 3-1 de la loi du 6 juillet 1989) (2.) ;
  • ou lorsque, dans les communes soumises à l’expérimentation sur l’encadrement des loyers, le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré (art. 140 de la loi du 23 novembre 2018) (3.).

Ces actions en diminution du loyer sont distinctes de celle permettant au juge, après qu’il a déterminé la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution, de réduire le montant du loyer lorsque le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 (art. 20-1 de la loi du 6 juillet 1989).

1. L’absence de mention dans le contrat du montant payé par le précédent locataire

Le contrat de location doit notamment préciser la surface habitable du logement, le montant du loyer, ses modalités de paiement ainsi que ses règles de révision éventuelle. Lorsque le précédent locataire a quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail, le contrat doit également préciser le montant et la date de versement du dernier loyer appliqué.

En cas d’absence dans le contrat de location d’une des informations relatives à la surface habitable et au dernier loyer acquitté par le précédent locataire, le locataire peut mettre en demeure le bailleur de porter ces informations au bail. Cette mise en demeure doit être adressée dans un délai d’un mois à compter de la prise d’effet du contrat de location.

A défaut de réponse du bailleur dans le délai d’un mois ou en cas de refus de ce dernier, le locataire peut saisir le juge des contentieux de la protection afin d’obtenir, le cas échéant, la diminution du loyer.

Cette action en justice doit obligatoirement être formée dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure, autrement dit dans un délai de quatre mois à compter de la prise d’effet du contrat de location.

2. La mention erronée dans le contrat de la surface habitable

Lorsqu’il apparaît que la surface habitable du logement est inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l’écart constaté.

À défaut d’accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de deux mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge des contentieux de la protection peut être saisi afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer.

Le juge doit être saisi dans un délai de quatre mois à compter de la demande en diminution de loyer. L’action en diminution de loyer est irrecevable en l’absence de demande préalable présentée par le locataire au bailleur (Civ. 3ème, 20 avril 2023, n° 22-15529). En outre, le délai de quatre mois étant un délai de forclusion, la demande est irrecevable si elle est présentée plus de quatre mois après la demande en diminution de loyer (Civ. 3ème, 9 nov. 2022, n° 21-19212).

La diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend normalement effet à la date de signature du bail. Toutefois, lorsque la demande en diminution du loyer intervient plus de six mois après la prise d’effet du bail (qui peut être différente de celle de la signature du bail), la diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de la demande (comprendre la demande en diminution de loyer et non la demande en justice).

3. Le loyer de base prévu dans le contrat est supérieur au loyer de référence majoré

Dans les territoires ayant donné leur accord pour mettre en place, à titre expérimental, le dispositif d’encadrement des loyers prévu par l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, le représentant de l’Etat dans le département fixe, chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logements et par secteur géographique.

L’action du locataire au moment de la signature du contrat de bail

Le loyer de base des logements mis en location est fixé librement entre les parties lors de la conclusion du contrat de bail, mais dans la limite du loyer de référence majoré. Le contrat de location doit obligatoirement préciser le loyer de référence et le loyer de référence majoré, correspondant à la catégorie de logements.

L’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 distingue deux hypothèses :

  • celle dans laquelle le contrat de bail ne mentionne pas le montant du loyer de référence et du loyer de référence majoré ;
  • et celle dans laquelle loyer de base prévu dans le contrat est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature de ce contrat.

Si le contrat de location ne mentionne pas le montant du loyer de référence et du loyer de référence majoré, le locataire peut mettre en demeure le bailleur de porter cette information au bail. La mise en demeure doit être adressée au bailleur dans un délai d’un mois à compter de la prise d’effet du contrat de location. À défaut de réponse du bailleur dans le délai d’un mois ou en cas de refus de ce dernier, le locataire peut saisir le juge des contentieux de la protection afin d’obtenir, le cas échéant, la diminution du loyer. Le juge doit obligatoirement être saisi dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure adressée au bailleur.

Si le loyer de base prévu dans le contrat est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature de ce contrat, le locataire peut engager une action en diminution de loyer. La commission départementale de conciliation prévue à l’article 20 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 est compétente pour l’examen des litiges relatifs à cette action en diminution. Selon toute vraisemblance, la saisine de la commission départementale de conciliation constitue donc un préalable obligatoire à celle du juge.

Il est important de préciser que cette action en diminution du loyer n’est ouverte au locataire que lorsque le loyer de base prévu dans le contrat est supérieur au loyer de référence majoré, et uniquement dans ce cas-là. L’action en diminution n’est donc pas ouverte lorsque le loyer est inférieur ou égal au loyer de référence majoré.

Lorsqu’elle est saisie, la commission départementale de conciliation doit rendre un avis dans un délai de deux mois et s’efforcer de concilier les parties. À défaut de conciliation entre les parties, elle rend un avis comportant l’exposé du différend et la position des parties ainsi que, le cas échéant, celle de la commission. Cet avis peut être transmis au juge par l’une ou l’autre des parties. En cas de conciliation, elle établit un document de conciliation comportant les termes de l’accord trouvé.

En revanche, contrairement à la première hypothèse, le texte ne dit pas si le délai pour saisir le juge est enfermé dans un certain délai. Dans le silence du texte, les actions dérivant d’un contrat de bail étant prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit, l’action en diminution du loyer pourrait donc être engagée par le locataire dans un délai de trois ans à compter de la signature du bail.

L’absence d’encadrement du délai pour saisir le juge constitue une réelle source d’insécurité juridique, pour les bailleurs comme pour les locataires, la différence de traitement entre les deux hypothèses prévues par l’article 140 et la rupture d’égalité qui en résulte étant difficilement justifiable.

En effet, lorsque le contrat de location ne mentionne pas le loyer de référence et le loyer de référence majoré, le juge des contentieux de la protection doit obligatoirement être saisi de l’action en diminution du loyer dans un délai de trois mois à compter de la mise en demeure adressée au bailleur, celle-ci devant elle-même obligatoirement être envoyée dans un délai d’un mois à compter de la prise d’effet du contrat de location. Autrement dit, le juge est saisi au plus tard dans un délai de quatre mois à compter de la prise d’effet du contrat de location. Alors que dans cette hypothèse le locataire a l’obligation d’agir dans des délais très brefs, le législateur semble lui réserver la possibilité, lorsque le loyer de base prévu dans le contrat est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature de ce contrat, d’attendre presque trois années avant de pouvoir porter son action en justice.

L’action du locataire au moment du renouvellement du contrat

Lors du renouvellement du contrat, le locataire peut également engager une action en diminution de loyer si le montant du loyer fixé au contrat de bail, hors montant du complément de loyer éventuellement appliqué, est supérieur au loyer de référence majoré.

Au moins cinq mois avant le terme du contrat, le locataire peut proposer un nouveau loyer au bailleur, dans les conditions de forme prévues à l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. La proposition doit donc être notifiée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifiée par acte d’un commissaire de justice (nouvelle dénomination des huissiers de justice) ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Le montant du loyer de référence majoré pris en compte correspond à celui qui est en vigueur à la date de la proposition émise par le locataire.

La notification d’une proposition d’un nouveau loyer doit intégralement reproduire, à peine de nullité, les dispositions du VI de l’article 140 de la loi du 23 novembre 2018 et mentionner le montant du loyer ainsi que le loyer de référence majoré ayant servi à le déterminer.

En cas de désaccord ou à défaut de réponse du bailleur quatre mois avant le terme du contrat, le locataire « peut » saisir la commission départementale de conciliation mentionnée à l’article 20 de la loi du 6 juillet 1989. Dès lors que le législateur a utilisé le mot « peut » et non pas « doit » ou « saisit », la saisine préalable de cette commission pourrait être regardée comme ne constituant pas un préalable obligatoire à celle du juge. L’alinéa suivant précise toutefois qu’à défaut d’accord constaté par la commission départementale de conciliation, le juge peut être saisi avant le terme du contrat. L’intention du législateur semble donc bien d’avoir voulu faire de la saisine de la commission départementale de conciliation un préalable obligatoire à celle du juge. La commission doit donc être saisie plus de deux mois avant le terme du bail. En effet, lorsque la saisine la commission est obligatoire, le juge ne peut être valablement saisi avant qu’elle ait donné son avis ou que le délai de deux mois qui lui est imparti pour rendre son avis soit écoulé (Civ. 3ème, 7 mars 2012, n° 10-27820 ; Civ. 3ème, 12 oct. 2011, n° 10-21216).

À défaut d’accord constaté par la commission départementale de conciliation, le juge peut être saisi avant le terme du contrat. Le juge des contentieux doit donc obligatoirement être saisi avant le renouvellement du contrat. À défaut de saisine du juge ou en cas de saisine tardive, le contrat est reconduit de plein droit aux conditions antérieures du loyer.

Par Cyril PERRIEZ


Textes applicables :

Article 3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (contenu du contrat de bail)

Article 3-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (surface habitable de la chose louée inférieure de plus d’un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location)

Article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (prescription de l’action)

Article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (fixation du loyer)

Art. 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dispositif d’encadrement des loyers)

Décret n° 2015-650 du 10 juin 2015 relatif aux modalités de mise en œuvre du dispositif d’encadrement du niveau de certains loyers et modifiant l’annexe à l’article R.* 366-5 du code de la construction et de l’habitation

Décret n° 2017-1198 du 27 juillet 2017 relatif à l’évolution de certains loyers dans le cadre d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail applicable du 1er août 2023 au 31 juillet 2024, pris en application de l’article 18 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989

Décret n° 2019-315 du 12 avril 2019 fixant le périmètre du territoire de la ville de Paris sur lequel est mis en place le dispositif d’encadrement des loyers prévu à l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique